La Société civile immobilière – Un contrat de famille au service de la transmission
La SCI est un groupement de personnes doté de la personnalité juridique, capable de disposer d’un patrimoine immobilier propre. Elle est régie par les dispositions du Code civil ainsi que par ses statuts sociaux. Nous ne nous étendrons pas plus sur la définition académique.
La SCI : au service de l’établissement d’un véritable « pacte familial »
La SCI est un groupement de personnes doté de la personnalité juridique, capable de disposer d’un patrimoine immobilier propre. Elle est régie par les dispositions du Code civil ainsi que par ses statuts sociaux. Nous ne nous étendrons pas plus sur la définition académique.
La SCI est avant tout un « contrat » !
Si en pratique la SCI est souvent réduite à un simple rôle de réceptacle pour un patrimoine immobilier, le premier article, premier alinéa du Code civil relatif aux sociétés civiles rappelle que la Société nait avant tout d’un contrat entre ses associés (C. civ. Art. 1832).
Il n’existe en réalité que très peu de règles impératives et spéciales aux SCI. Pour la majorité de sa règlementation, il convient de se reporter au droit commun des contrats. Lorsque l’on suit cette analyse, on comprend donc qu’en dehors des dispositions relatives notamment aux Assemblées générales et à son objet social, le contrat social peut contenir un nombre important de règles plus proches en réalité d’un véritable pacte familial, que d’une structure sociétaire complexe et astreignante pour les familles.
La souplesse statutaire au service des familles
L’intérêt de la SCI
Une application multiple
La SCI peut être constituée pour plusieurs motifs différents ou cumulatifs.
- 1° Dans la majorité des cas, elle sera constituée dans le but d’acquérir un bien immobilier tout en transmettant de manière anticipée la propriété des parts sociales aux enfants. L’optimisation de la donation sera ainsi à son maximum eu égard à la valorisation réelle des parts sociales données.
- 2° Elle permet également d’éviter une situation d’indivision sur le patrimoine. Les statuts pourront adapter des règles de gestion et de disposition plus souples et mieux adaptées. En pratique, l’indivision est souvent la première étape vers une dépréciation lente du patrimoine. En raison d’un socle législatif excessif, l’indivision entraine la paralysie du patrimoine entre ses indivisaires qui ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les dépenses, sa conservation ou la vente du bien indivis.
- 3° La Société civile immobilière peut également être un outil de gestion du patrimoine d’un majeur ou mineur protégé. En pratique, le recours au juge est parfois nécessaire pour gérer ou disposer d’un bien d’une personne protégée. Les statuts pourront adapter également les pouvoirs des associés ou du gérant afin d’éviter le recours au Juge.
- 4° La rédaction des statuts permet également d’améliorer la protection du conjoint survivant, ou du concubin que la loi a délaissé au profit des couples mariés ou pacsés.
L’instrumentalisation statutaire de la Société civile
L’aménagement de la Gérance
Le nombre de gérants est librement fixé par les statuts (C. civ. Art 1846 al.1er). Il peut donc y avoir un gérant unique ou plusieurs cogérants. Ce dernier peut également être associé ou non. Peut enfin être désignée une personne morale, ou une personne physique.
La liberté rédactionnelle laisse ainsi la porte ouverte à plusieurs optimisations de la gestion du patrimoine des associés en considération de leur cahier des charges. Par exemple, la nomination aux fonctions de gérant d’une personne morale permet notamment de créer une alternance des représentants légaux de la Société gérante sans pour autant procéder à la nomination d’un nouveau gérant de la SCI.
Autre exemple, un gérant non associé peut également être mis en place dans le cadre d’une gestion programmée du patrimoine d’un mineur ou majeur protégé afin de suppléer les règles de la tutelle ou de la curatelle. Le cadre statutaire posera la base et l’étendue des pouvoirs de la gérance, facilitant ainsi le recours aux actes d’administration ou de disposition sur le patrimoine de la personne protégée.
L’organisation de la dévolution de la gérance
Dans la majorité des cas, l’un des parents sera nommé gérant, ou les deux seront nommés cogérants dès la constitution de la Société. Eu égard au contexte familial, il peut être opportun de prévoir dès l’établissement des statuts le sort de la dévolution de la gérance dans le cadre d’une « gérance successive ». Afin d’assurer un ordre chronologique de gérants successifs, il est possible de prévoir la nomination d’un ou plusieurs gérants tout en précisant qu’à leur décès, démission ou en cas d’incapacité, une ou plusieurs autres personnes désignées statutairement deviendront gérant ou cogérants, et ce, de manière automatique. Cette disposition peut être utile notamment lorsque l’un des enfants (ou un tiers) est plus apte à exercer les pouvoirs de la gérance pour l’ensemble de la fratrie, en raison d’une compétence technique ou d’un critère purement subjectif. Elle permet également d’éviter de se retrouver dans une situation post-successoral où les héritiers ne parviendraient plus à se mettre d’accord sur la nomination du nouveau gérant.
L’instauration d’un « Conseil de Famille »
Rien ne s’oppose à ce que les statuts prévoient également des dispositions et des pouvoirs spécifiques attribuées à un seul des cogérants ou à certains d’entre eux uniquement.
Un Conseil de famille peut également être mis en place pour délibérer sur certaines décisions qui auront un impact sur le sort et l’avenir du patrimoine familial ou d’un actif social en particulier. Au même titre que les sociétés par actions disposant d’un Conseil d’Administration, le Conseil de famille ou le Conseil de gérance disposera de prérogatives uniques, sans pour autant vider de toute substance les Assemblées des associés.
N.B : Afin de ne pas remettre en cause le principe de liberté de droits de vote des associés, il sera opportun de prévoir la nomination des membres de ce Conseil par l’assemblée des associés à l’unanimité, notamment dès l’adoption des statuts sociaux.
La protection de la Gérance
Afin de garantir le gérant dans ses fonctions, il est important de verrouiller statutairement la durée et les modalités de révocation de la gérance.
Sauf disposition contraire contenue dans les statuts, le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales (C. civ. Art 1851 al.1er). De plus, le gérant s’il est associé « peut » participer au vote de la résolution concernant sa révocation (C. civ. Art 1844 al.1er). Une fois de plus, le contrat entre les associés permettra d’instaurer une gérance inamovible notamment en prévoyant une durée indéterminée, et une majorité élevée ou unanime en ce qui concerne la révocation du gérant.
L’aménagement des droits de vote entre usufruitier et nu-propriétaire
Le principe
En vertu des dispositions de l’article 1844 du Code civil, en présence de droits sociaux démembrés, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.
Si la doctrine reste partagée, l’arrêt De Gasté, a reconnu également la qualité d’associé au seul nu-propriétaire (Com, De Gasté, 04/01/1994 n°91-20256).
N.B : il convient par ailleurs de tirer l’ensemble des conséquences de cet arrêt. Si l’usufruitier n’a pas la qualité d’associés, il ne peut être gérant lorsque les statuts imposent la qualité d’associé pour être nommé gérant ! Eu égard à la proposition de loi du 27/03/2019, il peut être opportun de définir statutairement « qui » du nu-propriétaire ou de l’usufruitier [ou les deux] dispose de la qualité d’associé au regard du pacte social.
Les dérogations
Attribution des droits de vote à l’usufruitier
Le dernier alinéa de l’article 1844 précise que les statuts peuvent déroger au principe de répartition des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier.
Dans le cadre d’une gestion efficace d’une société familiale, il est tout à fait opportun de déroger conventionnellement à ce principe de répartition en attribuant le droits de vote au parent-usufruitier pour toutes les décisions de l’assemblée générale que celles-ci soient issues de l’AGO ou de l’AGE.
Les limites à la dérogation conventionnelle
Même s’il ne vote pas en AG, le nu-propriétaire doit être convoquer et dispose d’un droit de participer aux décisions collectives pour donner simplement son avis.
Par ailleurs, lorsque la décision entraine une augmentation des engamgents du nu-propriétaire, le droit de vote lui sera reconnu nonobstant toute disposition statutaire contraire (C. civ. Art 1836 al.2). De la même manière, une rédaction trop rigide en matière de répartition de droits de vote pourrait conduire à un abus de jouissance de la part de l’usufruitier (C. civ. Art 618).
La répartition des profits sociaux
Une saine gestion passe nécessairement par l’affectation des profits sociaux du résultat courant ou du produit exceptionnel. En fonction des objectifs familiaux, il conviendra de fixer conventionnellment le sort des réserves distribuables, afin de privilégier soit l’usufruitier, soit le nu-propriétaire.